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L’appétit de réussite D’OGRE LA FABRIQUE

L’appétit de réussite D’OGRE LA FABRIQUE

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Le made in France a ses héros, à l’image de Titaïna Bodin qui a réussi à imposer sur le marché, sa vaisselle en porcelaine fabriquée en France. Si l’engouement sur les réseaux sociaux est bien là, que les premiers clients sont enchantés et fidèles, et que l’envie de grands acteurs de la distribution est latente, il reste à la jeune femme engagée encore bien du chemin à parcourir pour acquérir une vraie tranquillité d’esprit. Pour renforcer son activité en ce début d’année 2024, elle mise sur la très jolie collection « Tahiti », dernière-née de la marque.

L’histoire commence en 2019, lors d’une année sabbatique qui fut mise à profit par la jeune Titaïna Bodin, contrôleuse de gestion chez EPEX Spot – Bourse d’électricité, pour faire le tour du monde. De table en table, elle fut étonnée de voir que les jeunes du monde entier avaient peu ou prou la même vaisselle, souvent achetée chez un célèbre marchand de meuble suédois. Au fil de ses pérégrinations, elle réalisa la richesse de nos traditions françaises et l’influence planétaire de nos arts de la table. De retour en France, elle fut frappée de constater que seules des marques haut de gamme, proposent encore une vaisselle fabriquée en France, souvent destinée aux marchés étrangers. Finalement c’est 80 % de la production française qui part en Asie et aux États-Unis où notre savoir-faire est célébré, quand une majorité de français mange dans des assiettes fabriquées en Asie, au nord de l’Afrique et dans le sud de l’Europe. Il faut dire que la mondialisation a fait des dégâts : près de 80 % des manufactures françaises ont été fermées depuis le début des années 2000. Face à cet état des lieux, Titaïna Bodin a envie d’agir et ose. Elle ose aller faire le tour des manufactures françaises restantes pour présenter son projet de lancer une marque d’art de la table d’entrée/milieu de gamme, qui soit accessible, écoresponsable, moderne et jolie. Son souhait est de pouvoir proposer un service de 6 assiettes à moins de 100 euros, ce qui serait un joli tour de force.

C’est une rencontre avec Jean-Claude Kergoat, dirigeant des Jolies Céramiques, société propriétaire, entre autres, de Deshoulières et Apilco, qui lui offre ses premières perspectives. Il lui ouvre son site de fabrication pour la création de ses premières collections, lui proposant même d’utiliser d’anciens moules de modèles octogonaux, désormais libres de droit. Le premier lancement réussi d’une collection en blanc, jaune et vert, lui permet d’aller plus loin un an plus tard avec le lancement de deux nouveaux coloris : terracotta et bleu. En 2023, elle franchit un pas de plus en relançant des moules vintage qui permettent la création de « Tahiti », nouvelle gamme phare d’Ogre La Fabrique. « Nous remettons des moules à fort potentiel qui dormaient dans l’usine et utilisons la couleur pour redonner du peps à des modèles d’antan. Cela fonctionne très bien et les clients adorent » nous dit avec enthousiasme Titaïna Bodin, à qui rien ne fait peur. Pourtant l’ancienne contrôleuse de gestion sait à quel point l’exercice est périlleux. Elle gère d’une main de maître son entreprise et sa trésorerie pour lui donner toutes les chances de s’inscrire durablement dans le paysage des arts de la table français.

Il faut dire qu’elle doit batailler ferme pour imposer ses collections en porcelaine fabriquées en France, quand les prix sont vite comparés à ceux des productions lointaines. « On observe une vraie distorsion entre le discours pro made in France de la distribution et la réalité des efforts communs qu’ils sont prêts à faire pour donner une chance aux produits. On me demande des assiettes fabriquées en France pour 6 euros, ce qui est impossible. Le consommateur est prêt à jouer le jeu à condition d’être porté par un véritable élan. La relocalisation en France est une aventure collective. Pour y arriver, chacun doit jouer sa part. » Car il n’y a pas de formule miracle. Fabriquer en France expose à des frais incompressibles qui alourdissent l’étiquette. Le prix à payer pour garantir la fabrication de produits dans un pays qui assure la protection aux salariés et la sécurité des consommateurs. À cela s’ajoute l’effet crise de l’énergie dans une période d’inflation.

Si quand vous la croisez, Titaïna Bodin est toujours souriante et pleine d’optimisme, elle avoue avoir des moments de spleen, consciente de l’épée de Damoclès qui plane sur son activité. Mais c’est une battante, qui se laisse porter par les petites victoires. Elle trace sa route, pouvant compter sur la confiance de très belles enseignes comme Le Bon Marché et des indépendants qui ont compris tout l’intérêt de promouvoir une telle offre dans leur magasin. Bien renseignés, les clients se plaisent à adhérer à un tel projet en achetant un service original d’une jeune marque tendance. Pour réussir 2024, l’entrepreneuse mise sur son succès à l’export, des partenariats avec des acteurs de la distribution spécialisée et la dynamique que peuvent lui apporter quelques market places savamment choisies. Bref, la petite marque qui fait rayonner de beaux savoir-faire français n’a pas fini de faire parler d’elle !

Article publié dans le magazine Home Fashion News de Janvier 2024 – Tous droits réservés